Projets européens en Lorraine : l'Itinéraire Donzelli en Meuse
Vos deux centres EUROPE DIRECT de Lorraine partent tous les mois à la rencontre des porteurs de projets européens du territoire. Ce mois-ci, nous vous proposons de découvrir le projet de l’itinéraire Donzelli qui met en valeur le patrimoine artistique meusien.
Porté par le Département de la Meuse, l’Itinéraire Donzelli permet de découvrir l’œuvre du sculpteur et peintre italien Duilio Donzelli, et en particulier les peintures murales réalisées au lendemain de la première Guerre mondiale dans de nombreuses églises endommagées pendant le conflit. Un tiers du financement du projet provient du Fonds européen FEADER.
[Image : Décors peints, Rouvrois-sur-Meuse]
Infographie
Télécharger l'infographie ici.
Nous vous proposons de découvrir l’interview de Marie Lecasseur, responsable du service conservation et valorisation du patrimoine et des musées au Département de la Meuse, historienne de l’art, spécialisée dans l’art de la Renaissance et l’architecture, également titulaire d’un DESS en médiation culturelle.
Pouvez-vous rappeler qui était Duilio Donzelli (1882-1966) ?
Le sculpteur et peintre italien Duilio Donzelli était communiste et antifasciste, il a donc quitté l’Italie pour s’installer au Luxembourg. Mais il y est resté politiquement actif, et il a été à nouveau contraint de s’exiler en 1924. Il est dont arrivé en Meuse chez un maçon italien (en cette période de reconstruction après guerre, beaucoup d’italiens s’installaient dans la région). Il est notamment connu pour avoir contribué à l’embellissement d’une quarantaine d’églises, la plupart situées le long de la ligne de front et endommagées par la Grande guerre. On peut dire que c’est la petite histoire, individuelle et locale, qui s’inscrit dans la grande Histoire de notre Grande Région transfrontalière.
Cet artiste a réalisé de nombreuses peintures murales, mais aussi du mobilier liturgique, des monuments aux morts, des stèles tombales... Un tel corpus d’œuvres peintes de la sorte après la guerre est assez unique en France. Duilio Donzelli tire son style de l’art byzantin (mosaïques ravennates) et de la Renaissance italienne. Il n’est pas particulièrement novateur mais il possède une très belle technique. Ces peintures donnent parfois l’impression de mosaïques.
En 1940, il est fiché par les nazis et doit fuir encore une dernière fois. Il n’a pas pu emmener ses archives qui ont alors disparues. Il s’installe à Valence où il restera jusqu’à la fin de sa vie.
Son fils ainé Dante Donzelli revient pour répondre à des commandes de l’Evêché de Verdun et s’implique dans la vie locale. Il meurt dans les années 90, de sorte que les meusiens se souviennent encore bien de lui et de ses œuvres, plus modernes que celles de son père. Duilio Donzelli, quant à lui, avait été largement oublié par le grand public et passé sous le radar des historiens de l’art.
Monument au mort, Bannoncourt, Crédit image : Région Grand Est - Inventaire général / Bertrand Drapier
Qui est à l’initiative du projet ?
L’alerte sur l’existence de ce patrimoine artistique a été lancée en 2015 par l’association L’Esparge. En particulier, par Madame Patricia Pierson, sa Présidente, et par Monsieur Dominique Lacorde, qui se sont passionnés pour cet artiste. Ils ont recensé la majeure partie de ses œuvres, puis ont sollicité le soutien du Département. Nous nous sommes rendus sur place pour voir les œuvres les plus remarquables, et nous avons tous été convaincus qu’il fallait les remettre en lumière.
A cette époque, notre service commençait tout juste à s’occuper de valorisation patrimoniale, avec l’extension à temps plein du poste dédié à l’Inventaire général du patrimoine. Stéphanie Jeanson, qui occupe le poste depuis 2016 a cherché dans les archives, a rédigé les textes ainsi que les différents supports de communication. Cela a représenté 3 à 4 ans de travail, avec la mise en place en juin 2018 de l’itinéraire Donzelli et l’édition d’une publication sur l’artiste en novembre 2018 aux Editions Domini.
De quelle manière ce projet a-t-il permis de valoriser ce patrimoine ?
Nous avons installé des plaques émaillées à l’entrée des églises (26 sites retenus) comportant des explications sur l’historique de l’œuvre et son iconographie, ainsi qu’un QR code pour les versions en langues étrangères. Nous avons réalisé une douzaine de teasers filmés par drone, ainsi que des plaquettes d’information touristique. Nous avons subventionné la mise en place d’un éclairage automatique pour une meilleure mise en valeur des peintures murales, et soutenu des travaux de sécurisation des œuvres afin que les églises puissent rester ouvertes pendant la haute saison sans risque de vol.
En collaboration avec les maires des communes concernées, nous avons initié des travaux de restauration de certaines peintures murales, avec la réalisation d’un documentaire sur ce processus. Souvent les communes ont dû prendre des mesures pour mettre hors d’eau certaines églises anciennes fragilisées avant de mettre en œuvre ces restaurations.
L’inauguration de l(itinéraire Donzellia eu lieu en juin 2018. Nous avons invité toute la famille, dont l’arrière-petite-fille du peintre, la réalisatrice Valérie Donzelli, ainsi que celle du côté italien. Nous leur avions d’ailleurs rendu visite à Rome, ce qui nous avait même permis de retrouver certains objets, notamment un missel donné par un curé meusien à l’artiste, dont les illustrations ont vraisemblablement inspiré les compositions de l'artiste.
En juin et novembre 2018, nous avons organisé trois journées de visites guidées en bus, prises en charge par le Département, qui ont rencontré un franc succès.
Depuis, nous avons encore reçu de nouveaux signalements d’œuvres de Donzelli, et les travaux de restauration se poursuivent encore aujourd’hui.
Abside Peinte, Belleville-sur-Meuse, Crédit image : Région Grand Est - Inventaire Général / Gilles André
Quel a été l’apport du l’UE dans la réalisation du projet ?
Sur une opération globale de 170 000 € engagée par le Département, nous avons financé le volet communication de 76 648 euros par une subvention de 25 673,39 euros du Fonds européen agricole pour le développement rural FEADER. Le service Europe, transfrontalier et ingénierie de financement du Département nous a permis de monter et déposer le dossier de demande de suvention, que nous avons défendu ensemble. Nous avons reçu l’approbation de la commission à l’unanimité.
Quelles sont les retombées du projet sur le territoire meusien ?
Les mairies observent une plus forte fréquentation des églises ainsi mises en valeur. L’Office du tourisme Cœur de Lorraine continue d’organiser des visites guidées, et l'agence Meuse Attractivité nous demande régulièrement de nouvelles plaquettes. Nous avons été invités par l’INP (Institut National du Patrimoine) en mars 2023 à leurs journées professionnelles sur la thématique de la « conservation-restauration au cœur de la société civile », ce qui est une belle reconnaissance au niveau national.
Nous avons travaillé sur d’autres projets : les plaquettes sur le sculpteur samiellois de la Renaissance Ligier Richier, sur les églises remarquables de la Meuse (119), sur la route des abbayes, et prochainement (sans doute 2025) sur la mise en valeur des œuvres du « 1% artistique » dans les collèges.
Du point de vue patrimonial, la Meuse est essentiellement connue pour ses vestiges de 1914-18. Le projet d'itinéraire Donzelli et ces autres projets permettent de mettre en lumière une autre partie de notre patrimoine auprès des Meusiens et des touristes extérieurs.
Un nouvel atout d'attractivité pour la Meuse !
Nous remercions chaleureusement Marie Lecasseur pour cet échange, ainsi que Pierre Mertz, responsable du service Europe, transfrontalier et ingénierie de financement du Département de la Meuse.
Retrouvez les plaquettes et vidéos de l’itinéraire Donzelli sur musees-meuses.fr.